18/06/2015
Midi-Pyrénées a une tradition de combats citoyens contre des projets néfastes à l’environnement. France Nature Environnement Midi-Pyrénées recense trente-quatre projets contestés sur le territoire. Y a-t-il une place pour le dialogue environnemental ? Réponses avec Marie-Laure Cambus, directrice de FNE Midi-Pyrénées et Marina Casula, maître de conference a l’universite de Toulouse 1 Capitole.
Marie-Laure Cambus, y a-t-il une spécificité midi-pyrénéenne dans le combat citoyen pour l’environnement ?
Marie-Laure Cambus : Il n’ y a pas de spécificité à notre région sur les projets contestés mais sur la mobilisation de la société civile pour la cause environnementale. Très tôt, dans les années 70 le mouvement citoyen s’est organisé sous forme de fédération d’associations pour donner de l’ampleur aux combats de citoyens vécus localement. Cette émergence de France Nature Environnement s’est faite autour de personnages charismatiques. Sur le projet de Sivens, c’est Ben Lefetey qui a incarné la mobilisation.
Quels sont les points communs entre ces projets contestés, recensés par France Nature Environnement en Midi-Pyrénées ?
Marie-Laure Cambus : Nous réalisons depuis trois ans cette carte des points noirs de l’environnement. En Midi-Pyrénées cinq sont particulièrement emblématiques : le projet d’autoroute Castres-Toulouse, le futur centre commercial "Val Tolosa" à Plaisance du Touch, le barrage de Sivens à Lisle sur Tarn, la protection du grands tétras et et le ramblaiement des gravière dans la Vallée de l’Ariège. Leur point commun c’est que systématiquement l’intérêt particulier prime sur l’intérêt général, et la société civile s’oppose à ces projet auprès des instances dédiées mais elle est peu ou pas entendue. Par exemple sur Sivens, les associations ont travaillé avec les experts pendant plus de deux mois et demi pour arriver à un postulat très argumenté et technique sur l’utilité de ce projet et les dommages environnementaux. Au final, ils se sont heurtés à une position de principe des agriculteurs - « il nous faut de l’eau ». On nous assène qu’il ne faut pas faire barrage au développement économique mais on oublie le bien commun. Une zone humide est un endroit où il y a des services éco-systémiques rendus, utiles à tous. C’est une zone tampon pour réduire les crues, un endroit qui permet d’épurer l’eau et donc de réduire les coûts portés par la collectivité.
Marina Casula, pourquoi ne sommes-nous pas prêts au dialogue environnemental ?
Marina Casula : Qu’entend-t-on par dialogue environnemental ? selon les acteurs, il y a une asymétrie dans les attentes. Pour les associations représentant la société civile, la notion de dialogue implique un échange avec un débat sur les points de vue. Pour les institutions politiques, prenons l’exemple de l’enquête publique, c’est l’occasion d’une information donnée aux citoyens sur les projets d’aménagement du territoire. Dans les travaux en sociologie autour de la participation des citoyens, celle-ci est souvent avancée comme une façon de légitimer le rôle du politique avec l’idée que dans les débats constitués ce sont les intérêts les mieux représentés qui vont emporter la décision.
Marie-Laure Cambus : Effectivement, lors du débat public sur le barrage de Sivens, les association de défense de l’environnement sont venues en masse, une trentaine de participants, avec un discours harmonisé. Les agriculteurs mobilisés par la FNSEA , eux, ont rempli deux bus. Nous n’avions pas la même force de frappe.
Marina Casula : Oui, le poids du nombre et de la parole importe. Et quand le dialogue passe par la concertation, il est synthétisé mais souvent à visée consultative et non applicative. Le projet est déjà décidé et la concertation permet de se conformer au texte de loi, en l’occurrence la convention d’Aarhus traduite en droit français en 2002. Elle impose un devoir d’information du citoyen dans les projets d’aménagement liés à l’environnement, sa participation aux prises de décisions mais sans donner les clés de cette participation et, la possibilité de recours en justice.