Après la plaidoirie des avocats de la Région bruxelloise et de sept communes vendredi dernier dans le cadre du recours en cessation environnementale contre le plan Wathelet relatif aux procédures de vol à l’aéroport de Bruxelles (Le Soir de samedi), c’était lundi au tour de la défense de l’Etat fédéral et de deux communes de la périphérie est de Bruxelles de faire valoir leurs arguments devant le tribunal de première instance de Bruxelles. La ministre régionale sortante de l’Environnement Evelyne Huytebroeck (Ecolo), porteuse du recours de la Région, a assisté aux deux séances.
La justice va-t-elle aider à dépasser le blocage autour du plan Wathelet ?
La juge a dit qu’elle essaierait de prononcer son jugement avant le 31 juillet mais qu’elle ne pouvait rien promettre. Elle doit se plonger dans une matière extrêmement compliquée et technique. J’imagine bien que c’est difficile pour elle.
Si elle dit qu’elle espère rendre un jugement pour le 31 juillet, c’est une nouvelle puisqu’on annonçait ce jugement pour la mi-août…
Oui, mais elle ne promet rien. Elle donnera au moins un agenda à ce moment-là. Mais elle n’a effectivement pas dit qu’elle ne pourrait pas le faire. Voilà, elle laisse les portes ouvertes.
Que pensez-vous de l’argumentation de l’Etat fédéral ?
Ce qui est un peu dommage, c’est qu’on en arrive vraiment à une opposition entre les communes, celles de l’oostrand, les communes bruxelloises et toutes les autres communes, puisque la défense consistait à dire que des communes étaient terriblement survolées avant, alors que maintenant, davantage de communes sont survolées, mais beaucoup moins. C’est l’argument de la dispersion du bruit, un argument que je ne peux pas accepter évidemment.
L’Etat fédéral remet également en cause l’arrêté bruit de la Région bruxelloise.
On s’y attendait un peu. Il estime qu’avec cet arrêté bruit, il serait impossible de faire passer des avions au-dessus de Bruxelles parce que c’est une législation trop restrictive et qu’il équivaut à une interdiction déguisée d’exploiter l’aéroport et de survoler Bruxelles.
Cet arrêté bruit a déjà été attaqué à tous les niveaux et validé.
Il a toujours été validé mais la question est politique évidemment et la solution n’est pas dans les mains de la justice. Mais l’arrêté bruit n’impose pas une non-exploitation de l’aéroport. On a toujours dit qu’il y avait moyen d’éviter Bruxelles. Certains disent que les avions à destination du sud doivent passer au-dessus de Bruxelles, mais les pilotes disent que ce n’est pas indispensable. L’argument du fédéral, selon lequel tant qu’il y aura cet arrêté bruit il y aura des infractions est tout à fait faux. Nous disons simplement qu’avant de décider des routes aériennes, l’Etat fédéral doit tenir compte de cet arrêté bruit. L’Etat fédéral dit également que cet arrêté méconnaît le principe d’égalité entre les citoyens puisqu’il n’est pas d’application en Flandre. Mais ce n’est pas de notre faute : il y a eu régionalisation des normes de bruit environnementales, et nous n’y pouvons rien si la Flandre n’a pas pris d’arrêté aussi ambitieux que Bruxelles.
Mais cet argument-là, la juge ne peut pas l’entendre : elle doit se baser sur les lois et arrêtés existants…
Ce sera son boulot à elle. Mais ce que le fédéral a voulu démontrer c’est qu’avec l’arrêté on interdisait presque l’exploitation de l’aéroport, ce qui est totalement faux. C’est quelque chose que j’ai déjà entendu il y a quelques années, principalement du côté néerlandophone. Mais si aujourd’hui, politiquement, on reconnaît que pour instituer des routes, il faut tenir compte de la densité de population, et j’ai vu que c’était dans l’accord de gouvernement bruxellois comme c’était le cas en 2004 et 2009, il est clair qu’alors les avions ne doivent pas survoler Bruxelles. A un moment donné, il faudra bien qu’au niveau fédéral, chacun montre du courage, parce que ce n’est pas la justice qui va tracer les routes, ce n’est pas son rôle.
Que pensez-vous de la réplique du fédéral aux arguments de la Région qui s’appuient sur la Convention d’Aarhus et une directive européenne selon lesquelles il y a lieu d’informer et de consulter la population en cas de modification environnementale importante ?
Selon le fédéral, la Convention d’Aarhus prévoit ces dispositifs lorsqu’il s’agit d’un plan. Il estime ici que le « plan Wathelet » ne répond pas à la définition juridique d’un plan, comme l’est le plan régional de développement par exemple. Cet argument nous a fait bondir.
On a l’impression pour le moment que le politique attend que la justice fasse son travail pour avancer.
Je crois que la justice va faire son travail jusqu’où elle peut le faire, et je fais confiance à nos avocats ou à la juge. Mais la justice dans des questions pareilles a ses limites. On sait bien que la réponse sera aussi politique. Et je suis inquiète, puisque c’est le fédéral qui doit décider de ça. Et pour l’instant, il n’y a même pas encore de discussion au fédéral.
La juge pour le moment peut décider de suspendre le plan Wathelet.
Elle peut. On va attendre.