Philippe Marzolf, ancien vice-Président de la Commission Nationale du Débat Public, participait jeudi avec Jean-Michel Fourniau , chercheur à l'IFSTAR, à une rencontre sur les experts et les citoyens dans les débats sur les infrastructures.
Cette " Conférences des Savoirs " était organisée dans le cadre des Rencontres Scientifiques Nationales de Bron, dont les journées publiques auront lieu les 7 et 8 juin ( 1).
Le débat public en France, s’inspire de la Convention d’Aarhus, un texte européen qui prévoit que le public doit être associé au processus de décision publique en respectant plusieurs principes : participer assez tôt, quand tout n’est pas "ficelé", quand les options restentouvertes, avec une possibilité d’influencer réellement le processus de décision.
C'est dans ce sens qu'a travaillé la Commission Nationale du Débat Public depuis dix ans. Avec une équipe réduite, une indemnisation limitée pour les membres en charge de l'animation, la CNDP reste un peu à l’étroit face à l'immensité de la tâche.
Mais elle a été efficace, rappelle Philippe Marzolf. "Certains projets ont été purement et simplement abandonnés, d’autre profondément modifiés, ce qui a permis des économies importantes. Le million d'euro que coûte en moyenne un Débat particuier n’est pas gaspillé."
Des cahiers d'acteurs
Au fil des années, le travail de la Commission nationale a été amélioré, des outils inventés. Les Cahiers d’acteurs permettent à des parties différentes de communiquer sur un pied d’égalité avec les maitres d’ouvrages bien plus riches.
Philippe Marzolf pointe cependant des insuffisances que la nouvelle Commission tentera peut-être faire évoluer. La Commission du Débat public louvoie entre plusieurs écueils.
Culture d'Etat
Son pilotage est encore très inspiré par la culture d’Etat : anciens préfets, anciens dirigeants d’entreprises publiques, anciens hauts fonctionnaires de quelques corps ou de quelques écoles empêchent parfois un sang neuf d'apporter un surcroit de dynamisme.
L'impact de la Commission a encore des limites. le public des débats comprend beaucoup d’hommes, d’un certain âge, beaucoup de catégories socioprofessionnelles supérieures, en particulier dans les rangs des associations. Chercheurs et fonctionnaires à la retraite réalisent parfois une sorte de seconde carrière sociale où leurs compétences ont apporté un surcroit d'efficacité à la société civile.
Des débats qui peuvent être faussés
Ces participants disponibles ont contribué à l'émergence des associations. Mais c'est insuffisant pour permettre à Madame Michut oou Monsieur Dupont de se retrouver dans les débats. Des débats qui peuvent être faussés, manipulés par les spécialistes de la communication, de la désinformation. Il y a parfois une "caravane du débat, avec des intervenants rodés qui interviennent à chaque réunion et occupent le terrain.
Le poids des maitres d'ouvrages
Mais le principal déséquilibre c'est le poids des maitres d'ouvrage, qui portent les projets, les études la communication. Aucun seuil ne rend obligatoire un débat où de toutes les manières les maitres d'ouvrages partent avec une longueur d'avance.
Or, rappelle Philippe Marzolf, le débat, n'est pas une infomation ou une consultation. Il faut convaincre les entreprises publiques, les collectivités, les élus, les techniciens d'ouvrir vraiment les dossiers, de se remettre parfois en cause. Il faut rappeler qu'en démocratie, la décision relève du peuple souverain. " Ce n'est pas votre bébé vous avez reçu une commande publique, mais d'autres personnes pensent autrement" répète Philippe Marzolf à des interlocuteurs.
" Les débats particuliers doivent avoir un impact sur les projets, sinon les citoyens ne viendront pas." Il faut développer le dialogue territorial » insiste aussi Philippe Marzolf. L'association des citoyens doit s’inscrire dans la durée des projets. Elle doit commencer plus tôt, se poursuivre après la fin des réunions. La qualité des débats doit inspirer le travail des commissaires enquêteurs chargés de recueillir les avis des citoyens, quand les projets déclarés d’utilité publique devient concrets. Le débat public a d'immenses marges de progression!