La Convention d'Aarhus (« la Convention ») a été approuvée par la décision 2005/370/CE du Conseil du 17 Février 2005 : elle a donc force exécutoire dans l'UE. Elle garantit l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement[1]. Compte tenu de l'impact considérable sur l'environnement qu’aura la construction de milliers de parcs éoliens à travers l'Europe, la Convention s'applique à tout plan ou programme, ou à leur extension, qui envisagerait une telle construction.
Dans la demande déposée par EPAW au tribunal, nous lisons : « Le requérant demande, conformément à l'article 264 du TFUE, à la Cour de déclarer les actes suivants nuls et non avenus : Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions "l'Énergie Renouvelable : un acteur majeur sur le marché européen de l'énergie" COM (2012) 271, etc. »[2]. Cette demande est du domaine public, ayant été publiée par la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe (CEEONU) en tant qu’information supplémentaire pour une affaire connexe sur le programme d'énergies renouvelables écossais portée par le Conseil communautaire d’Avich et Kilchrenan devant le Comité de Conformité de la Convention d'Aarhus[3].
COM (2012) 271 (voir ci-dessus) est en effet un vaste programme industriel qui va considérablement affecter l'environnement de l'UE. En tant que tel, il devait être soumis à la participation du public. Mais cela n'a pas été fait de manière transparente, en conformité avec la Convention et le droit communautaire qui l'implémente. EPAW a cherché recours à la Commission[4], mais en vain, d’où sa décision de porter l'affaire devant la Cour de Justice.
L'ONG affirme que les milliers de projets éoliens prévus par la COM (2012) 271 auront des conséquences environnementales graves, allant de la décimation de diverses espèces d'oiseaux et de chauves-souris déjà menacées dans différents pays membres[5], à la destruction de capteurs naturels de carbone (tourbe, arbres et autres végétaux), à l'érosion des sols, la contamination des eaux, les incendies de forêt, et les effets délétères sur la santé des personnes et des animaux[6]. Mais ces questions ont été négligées, parce que les évaluations environnementales nécessaires au niveau des États membres n'ont pas été faites, ce qui est une violation à la fois des exigences de la Convention et du droit communautaire. En dépit de cela, et de l’avis officiel du Comité de Conformité de la Convention d'Aarhus des Nations unies, l'UE refuse toujours de se conformer à la loi.
Le processus d’approbation des projets est également critiqué. « En général, note le Directeur Général d’EPAW, Mark Duchamp, d’un bout à l’autre de l'UE les autorités n’effectuent pas une évaluation rigoureuse des impacts de chaque projet éolien : en fait, elles ne font guère plus que de cautionner les études d’impact faites par les promoteurs. En termes juridiques, elles ne font pas leur travail dans un cadre transparent et équitable. Ce manque de respect pour la loi aura des conséquences désastreuses et irréversibles pour l'environnement de l'UE, la santé des gens, et l'économie ».
Du côté des bienfaits proclamés des énergies renouvelables, EPAW fait remarquer qu'aucune étude indépendante et approfondie n'a été faite par la Commission pour estimer la quantité de CO2 qui sera économisée par COM (2012) 271. En fait, cette ONG a publié des études menées par des ingénieurs indépendants, agissant de leur propre initiative et pro bono[7] : toutes concluent que peu ou pas de CO2 sera économisé par les parcs éoliens, quel que soit leur nombre. « L'énergie éolienne est intermittente, note Duchamp, il faut des centrales à combustibles fossiles pour l’épauler. Mais ces centrales doivent accélérer et décélérer sans cesse pour compenser les variations incontrôlables du vent, et ce faisant elles brûlent environ deux fois plus de carburant – comme une voiture dans le trafic urbain. » C'est ce qui explique le cri de ralliement des opposants aux éoliennes : « beaucoup de souffrances pour aucun bénéfice. »
Sans se préoccuper des nombreuses plaintes de la société civile, la Commission s’est appuyée sur les affirmations de l'industrie éolienne, en fermant les yeux sur les questions essentielles comme l’intermittence incontrôlable du vent, les inefficacités causées aux centrales thermiques de soutien et au réseau de transmission, et le coût élevé des énergies renouvelables qui érode la compétitivité de l'industrie européenne.
Bref, l'information fournie au public a été tout sauf transparente, affirme l'ONG. Dans le meilleur des cas, la Commission a répété les propos et les chiffres de l'industrie éolienne sans vérifier leur exactitude, approuvant tout sans évaluation adéquate ni participation du public. L’article 9 (1) du Règlement UE Aarhus 1367/2006 exige que « de vraies opportunités soient offertes au public pour participer à l'élaboration, la modification ou la révision des plans ou programmes relatifs à l'environnement lorsque toutes les options sont encore ouvertes. En particulier, lorsque la Commission élabore une proposition concernant un tel plan ou programme pour la soumettre à d'autres institutions ou organes communautaires pour décision, elle doit prévoir la participation du public à ce stade préparatoire ». La position soutenue par EPAW devant la Cour de Justice, c'est que cela n'a pas été fait. « Il est grand temps que la Commission soit rappelée à l’ordre », conclut Mark Duchamp.